En RDC, le président Tshisekedi veut faire du football un outil de soft power

Félix Tshisekedi aime le sport, et en particulier le football. Depuis sa réélection, en décembre 2023, le président de la République démocratique du Congo (RDC) souhaite en faire l’un des leviers de sa politique étrangère. Ces derniers mois, il affiche son intention de réaliser de nombreux projets d’ampleur, annonçant par exemple que son pays était candidat à l’organisation de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) en 2029, une compétition qu’il a remportée deux fois (1968 et 1974) mais qu’il n’a jamais accueillie.
M. Tshisekedi souhaite aussi que Kinshasa organise prochainement le Trophée des champions, un match qui oppose le vainqueur du championnat de France de Ligue 1 au vainqueur de la Coupe de France, et que la Ligue de football professionnel (LFP) fait disputer depuis des années à l’étranger afin de promouvoir le football français.
Le président congolais aurait aimé que l’édition 2023 se dispute au Stade des martyrs de Kinshasa, mais cela n’avait finalement pas été possible, notamment en raison de la mauvaise qualité de la pelouse synthétique. Les autorités congolaises n’ont toutefois pas renoncé à l’organiser à moyen terme.
En 2023, la RDC avait accueilli les Jeux de la francophonie à Kinshasa. De quoi conforter le chef de l’Etat dans la capacité de son pays à organiser des événements sportifs majeurs. « Tout n’avait pas été parfait mais, globalement, cela s’était plutôt bien passé, estime Jean-Baptiste Guégan, enseignant à Sciences Po Paris et auteurs de plusieurs livres consacrés à la géopolitique du sport. Pour Félix Tshisekedi, tout est bon pour améliorer l’image de son régime. Le sport permet de nouer des relations et de faire aussi du business. »
Le 20 septembre, le gouvernement congolais a annoncé la signature d’un contrat de partenariat d’une durée de trois ans avec le prestigieux club italien du Milan AC, afin de promouvoir le tourisme en RDC. Le montant de cet accord n’a pas été divulgué mais, selon Vincent Chaudel, fondateur de l’Observatoire du sport business, « il devrait se situer dans les 5 ou 6 millions d’euros par an, peut-être un peu plus ».
Les grands contours de cet accord ont été discutés lors d’une visite en Italie de Didier M’Pambia Musanga, le ministre congolais du tourisme, en juillet. Le slogan « Explorez la RDC, cœur de l’Afrique », apparaîtra sur les tenues officielles du Milan AC, sans que l’on sache encore si ce sera sur les maillots de matchs, d’échauffement ou encore sur les vestes de survêtement.
A Milan, l’annonce de ce contrat a été bien perçue par les supporteurs lombards. « Ce que veulent les clubs, c’est de trouver l’argent pour boucler les fins de mois. Ces quelques millions d’euros supplémentaires permettront peut-être aux dirigeants d’acheter le joueur que les supporteurs réclament, souligne Vincent Chaudel. Beaucoup d’autres grands clubs européens ont été rachetés ou ont conclu des accords de sponsoring avec des pays comme le Qatar, l’Arabie saoudite, la Chine, la Turquie, l’Azerbaïdjan ou le Rwanda, dont les images ne sont pas toujours très positives. »
Cet accord de sponsoring rappelle celui noué par le Rwanda de Paul Kagame, ennemi de Félix Tshisekedi, avec deux autres grands clubs européens : Arsenal, dont le président rwandais est un grand supporteur, et le Paris Saint-Germain (PSG). Le Rwanda, très actif dans la diplomatie sportive, ne se contente pas du football pour défendre ses intérêts. Kigali a accueilli le congrès de la FIFA en 2023, les quatre dernières éditions de la Ligue africaine de basket-ball, une compétition soutenue notamment par la puissante NBA américaine, et s’apprête à organiser les Championnats du monde de cyclisme en septembre 2025.
M. Tshisekedi a-t-il décidé de concurrencer ses rivaux rwandais sur le terrain sportif ? « La RDC est un pays où le sport occupe une place importante. Ces différentes initiatives sont plutôt bien perçues à Kinshasa, même si certains estiment qu’il y a d’autres priorités pour la population », conclut Patrice Mangenda, ancien secrétaire général de la Fédération congolaise de football (Fecofa), désormais directeur du journal spécialisé DRC Sports.
Alexis Billebault
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